L'image de la gourmande et son double standard

Aujourd'hui, un peu en décalage avec mes posts habituels, je vous propose une petite gueulante. Parce qu'en une semaine j'ai eu l'occasion de lire un article qui glorifiait la gourmandise et un autre qui nous expliquait qu'en somme, manger, c'était mal (surtout si ça se voyait sur les cuisses). 

La question des bourrelet dans les médias est en effet assez épineuse. 


Pas que dans les médias, d'ailleurs, c'est bien plus général que ça. Au quotidien, on a la sensation qu'être "gourmande" est une preuve de bonne vie, c'est associé avec l'idée qu'on profite, qu'on n'a pas peur de prendre du poids ou du regard des autres. On n'est pas cette petite chieuse qui compte les calories, qui veut manger "healthy, gluten free et vegan". Auféminin, carrément, décrète que les gourmandes sont "les plus cools". Un article lamentable, stéréotypes affligeants à foison. On en vient carrément à dire que la gourmande, tel le p'tit chien, réagit à la friandise qu'on lui tend en remuant la queue... (notez que sur la même page, on nous renvoie vers un dossier sur "les desserts à moins de 300 calorie"...)

Ce qui me fait rire, c'est que cette gourmande, si elle est grosse, elle devient malade. Si tu aimes manger alors que ta silhouette laisse entendre que tu ferais mieux de jeûner, ça devient suspect, problématique, on a un peu pitié. On se dit que c'est une compulsion et pas un plaisir, que quand tu commandes ta pizza 4 fromage devant un film nian nian, c'est que tu as cédé à un appel maladif qui va se voir sur tes hanches et faire peur aux petits enfants. On pense à l'obésité morbide, parfois même on se dit que c'est malsain et qu'il faudrait ne pas montrer que tu aimes ce cupcake. Un journal pourtant reconnu pour autre chose que son étalage de cliché féminin moisi, j'ai nommé Le Monde, propose un article pseudo humoristique où on explique aux femmes qui décident de s'habiller en robe longue que si elles pensent que ça va cacher leur graisse, elles se trompent, et qu'elles auraient mieux fait de sen tenir à leur régime de jus de légume... (Même au second degré, cet article n'a rien de drôle à mes yeux. Singer les intolérants n'a rien de drôle si ça n'apporte aucune autre perspective que de les imiter "pour rire" et je ne vois pas en quoi cela pourrait faire reculer ces lourds clichés)

http://beiibis.tumblr.com/post/73822674086/why-is-it-cute-when-a-skinny-girl-eats-a-lot-but
Ah, les doubles standards.

Je tiens un blog de cuisine, je suis grosse, et parfois, j'ai peur du jugement des gens lorsque je leur dis que j'aime cuisiner. Oui, je m'intéresse à la cuisine, j'aime ça, j'adore développer ma créativité en associant de nouvelles saveurs, et lorsque je cuisine un cheesecake, il n'est peut-être pas mon meilleur allié régime, mais il est dégusté avec plaisir. Il n'est pas le résultat d'une compulsion incontrôlable d'une malade qui n'a jamais appris à se nourrir correctement.

Je préfère le préciser : je sais que les coup de gueule à propos de tout ce qui est de l'ordre de la "grossophobie" (brr, que je n'aime pas ce terme !) entrainent souvent des réactions du style "de toute façon, les hommes préfèrent les formes, pas les sacs d'os". Ce billet d'humeur n'a absolument pas pour but de viser les personnes qui ont la chance, la force ou l'envie d'être plus mince que je ne le suis. Il vise simplement à pousser un gros soupir devant les doubles standards qui peuvent pourrir la vie de beaucoup. Je compatis tout autant au sort des personnes qui ne sont pas gourmandes, et qu'on incite sans cesse à manger plus, à finir leur assiette, à arrêter de compter les calories quand bien même elles ne le font pas et n'ont simplement pas un grand appétit ! Que l'on soit gourmand, avec des troubles liés à l'alimentation, mince sans le chercher ou au régime, aucune injonction, même bienveillante, ne peut aider qui que ce soit...